Histoire du Foyer du soldat

De l’aumônerie militaire à Versailles en 1870 à la chapelle Notre-Dame des Armées aujourd’hui.

L’oeuvre du soldat

Aux XIX° et XX° siècles, Versailles fut une ville de garnisons et baignait dans une atmosphère militaire : ceux qui habitaient près des casernes se levaient au son du “soldat lève-toi”, et à 21h, le bourdon de Notre-Dame et les trompettes des casernes sonnaient l’heure pour les petits français d’aller au lit.

Jusqu’en 1890, “la retraite” quotidienne rassemblait vers 19h45 les tambours et les clairons des troupes de la garnison sur la place d’Armes. A 20h, les musiciens descendaient jusqu’à la mairie en musique, puis regagnaient leur caserne escortés par de nombreux enfants. A Versailles, “les défilés militaires avec tambours et trompettes” faisaient partie des “trois grands spectacles donnés en public depuis des siècles avec les processions religieuses et les exécutions capitales”.

En 1862, est fondée à Paris par le P. Féron, de la congrégation de Saint Jean-Eudes, “l’œuvre du soldat”, destinée à “faire entrer Dieu dans l’armée française”, à entourer les soldats isolés et à combler leurs besoins spirituels.

L’oeuvre de Notre-Dame des Armées

Notre-Dame des Soldats fut d’abord une association de prière qui rassemblait plusieurs milliers de membres à travers tous les diocèses de France ; puis l’oeuvre fut reconnue officiellement le 10 janvier 1879, sous le vocable de “L’oeuvre de Notre-Dame des Armées”, par un bref du Pape Léon XIII, et érigée en archiconfrérie comptant alors plusieurs milliers de membres à travers toute la France. Elle se propagea ensuite dans tout le pays.

Notre-Dame des Soldats

Après la guerre de 1870 et pendant la Commune, Versailles est transformée en une immense caserne logeant les soldats libérés par les Allemands. On voit partout des campements militaires, à Satory, dans le parc, à Trianon. Les avenues de la ville accueillent même des tentes et des baraques. C’est à ce moment-là que l’oeuvre est transférée de Paris à Versailles à la demande de son évêque, Monseigneur Mabile, qui confie au P. Féron l’œuvre militaire de sa ville et de tout son diocèse.

Elle prend le nom de Notre-Dame des Soldats et s’installe dans un premier temps 2 bis rue des Bourdonnais.

L’extension de l’œuvre de Notre-Dame des Soldats

En 1877, l’œuvre de Notre-Dame des Soldats achète un immeuble avec une cour et un grand jardin au 4 impasse des Gendarmes (impasse qui bordait l’ancienne caserne des gendarmes du Roi). La propriété est totalement transformée, et comme le foyer est très fréquenté par les soldats et leurs familles, on construit plusieurs salles de réunions, salles de jeux, bibliothèque, une cantine, une lingerie, une salle de spectacles et une vaste chapelle de style gothique. Celle-ci est édifiée par l’architecte versaillais Frantz Blondel qui construira également l’Ecole Saint Jean de Béthune en 1878 pour les Eudistes.

Le sculpteur Verrebout réalise une statue de Notre-Dame des Soldats propre à l’archiconfrérie : la Vierge, couronnée d’étoiles, est debout sur le monde ; portée par un croissant de lune, elle est entourée d’armes et de drapeaux. Dans les bras de sa mère, l’Enfant Jésus tient une croix ornée d’une banderole portant ces mots latins : “in hoc signo vinces” (par ce signe tu vaincras).

La vie spirituelle en 1880 à la chapelle

Le foyer et la chapelle sont desservis par le P. Gueusset ancien aumônier de la chapelle militaire de Saint-Maurice, au camp de Satory ; celle-ci a été démolie après la loi du 8 juillet 1880 abrogeant la loi de mai-juin 1874 sur l’aumônerie militaire. Pendant 20 ans il animera le foyer de sa présence dynamique et spirituelle.

Différents exercices réunissent à la chapelle les soldats, les associés et des Versaillais : la messe quotidienne offerte pour les soldats vivants et défunts de l’armée française, pour les associés et les Directeurs et bienfaiteurs des œuvres militaires ; et l’office du soir, à 18h, le dimanche et les jours de fêtes de l’archiconfrérie. Celui-ci comprend les litanies de la Vierge, la récitation de la prière du soir du manuel du soldat, les recommandations reçues dans la semaine (intentions générales et particulières adressées à la chapelle), l’Instruction et le Salut (le dimanche et le jeudi). L’adoration mensuelle du Saint-Sacrement est assurée par les soldats qui se relaient par quart d’heure, pour honorer Dieu au nom de l’armée. Une fois par an, la nuit qui le précède et le jour de la fête du Sacré Cœur, a lieu l’adoration diurne et nocturne.

Le temps des persécutions

La fin du XIXème siècle voit l’arrivée d’une série de lois anti-cléricales.

En 1880, la loi qui instituait l’aumônerie militaire est abrogée après six ans d’existence. On accuse les Eudistes de faire du prosélytisme auprès des soldats, on leur interdit l’accès aux casernes et on interdit aux militaires de venir au Foyer du soldat.

Grâce au courage du Supérieur Général des Eudistes, de l’aumônier de Notre-Dame des Armées et de quelques militaires, la plupart des soldats continuent d’assister à la messe à la chapelle malgré les menaces.

En 1883, un autre avis ministériel interdit le cercle militaire de NDA et il est question de fermer la chapelle.

Après une énergique réclamation de l’aumônier, le père Gueusset, permission est accordée aux soldats de se rendre à la messe mais le regroupement à l’extérieur de la chapelle est interdit.

Avec la loi de 1901 sur les congrégations religieuses, la séparation de l’Eglise et de l’Etat et l’expulsion des congrégations hors de France, la vie officielle devient de plus en plus sectaire. Les Eudistes doivent fermer leur collège Saint-Jean de Béthune. Le mobilier est vendu. Elèves et professeurs sont disséminés dans différents quartiers de Versailles. Pendant un an, le seul endroit où tous peuvent se retrouver est la messe du dimanche à Notre Dame des Armées. Une grande plaque de marbre apposée à droite dans le chœur rappelle cet épisode douloureux.

L’autel de sainte Thérèse

L’autel de sainte Thérèse, au fond de la chapelle, fut béni par Mgr Rolland-Gosselin le 1er mai 1927. Il fut réalisé par François d’Albignac, peintre et sculpteur, fidèle de NDA, dont l’atelier se trouvait dans la maison familiale au 6 impasse des Gendarmes (à l’emplacement actuel du parvis). En lien avec le vocable de NDA, l’autel est dédié aux soldats morts durant la guerre de 1914-18. L’artiste a placé sur le devant de l’autel une croix grecque portant en son centre un casque de Poilu entouré de quatre roses. Le bas relief est surmonté de l’inscription gravée IN MEMORIAM ; la statue de sainte Thérèse, inclinée au-dessus de l’autel, fait tomber le long de sa bure les roses qu’elle porte dans ses mains. L’ensemble aux lignes épurées est dans le plus pur style art-déco.

L’autel, dédié à sainte Thérèse (canonisée en 1925), est la consécration du vœux de l’abbé Marabeuf, directeur du foyer du soldat, et de la dévotion extrêmement forte des Poilus envers la petite carmélite, durant la Grande Guerre. De nombreux soldats portaient en effet sur eux une image de « sœur Thérèse » qui n’était pas encore béatifiée, et un grand nombre de miracles lui furent attribués dans les tranchées.